Je ne me conformerai pas [libre à tous]

Non mais c'est quoi son problème à cette vieille picouille ? Je lance un regard en coin vers la gauche. Non mais qu'est-ce que t'attends Jesse pour prendre ma défense ? Elle me cherche cette vache.

-J'ai dit, mademoiselle, que votre tenue était inappropriée en ces lieux, répète la garce de quarante ans.

Et alors ? Ma tenue n'a jamais choqué personne. C'est pas parce que j'ai un gilet qui remonte un peu sur mon ventre – un tout petit cinq centimètres de peau – et que ma jupe n'est pas celle de l'uniforme et qu'elle est plus courte qu'elle fait automatiquement de moi une salope. Je refuse de me changer. Pas aujourd'hui. Je suis prête à piquer une crise ici même, au milieu du hall s'il le faut. Mais cette conasse va bien finir par lâcher le morceau. Quand on est vieille et moche, on ferme sa gueule et on laisse les jolies jeunes femmes faire ce qu'elles veulent.

-Écoute ma vieille, l'uniforme de c't'école est à chier. Les couleurs me donnent mal au cœur – quelles couleurs ? c'est noir et blanc – et elles ne sont pas du tout dans ma palette. Il faut vraiment être un sale soumis pour oser porter ce truc seulement parce que la direction le demande.

-Vous devriez prendre note que tout le monde ici est donc un … comment déjà ? un sale soumis, puisque tout le monde porte l'uniforme.

-Ouais et ben moi j'sors de la masse ! je crie en donnant un coup de pied capé d'acier dans son bureau.

Vieille conne. Je tourne le dos à son comptoir et marche en direction des couloirs, la tête haute, Jesse derrière mes talons.

-Qu'est-ce que t'as à rire toi ? je m'offusque en voyant quelqu'un me regarder en souriant bêtement.

Vraiment en colère, je m'élance pour lui coller un bon coup de pied dans le tibia.

Je suis sorti de ma chambre pour aller me dégourdir un peu. Je commence à entendre des voix. Puis, plus je m’approche du hall…Plus les voix sont fortes…Fortes? Une des voix est complètement assourdissante. C’est quoi ce bordel? Je m’approche, curieux. Je manque d’éclater de rire devant ce spectacle clownesque. Une fille se pétant un caprice. Ses cheveux sont ondulés, c’est plutôt joli. En fait, dans l’ensemble, elle est très belle. Mais, ses cris hystériques gâchent tout. Vu comme elle est habillée, ça ne m’étonne pas trop que la p’tite dame ne la laisse pas se promener comme ça. On croirait presque à une traînée.

La petite anarchiste veut pas porter l’uniforme scolaire. Bon, j’avoue que je n’ai pas trop voulu au début…Mais, au point de faire une crise de nerf, il faut vraiment avoir un problème. Son gros délire d’hystérie se finit avec des hurlements frustrés et un coup de pied sur le bureau de la vieille. Je l’observe aller dans ma direction avec un sourire. Je retiens difficilement mon hilarité.

-Qu'est-ce que t'as à rire toi ?

Elle s’élance pour me donner un coup de pied. Holà! J’ai rien fais moi. Je me tasse vivement pour éviter son coup rageur.

-Hey! Oh…Calme-toi! C’est quoi l’idée de chialer pour un morceau de tissu aussi! J’en connais une qui aurait vraiment besoin de se payer du bon temps au plus tôt.

Je comprends pourquoi ses parents ont voulu se débarrasser d’elle! Si elle est du genre à piquer une crise de nerf sur la moindre chose. Je suis peut-être un foutu drogué qui ne va pas en cours mais moi, au moins, je suis facile à vivre! En tout cas, elle, c’est tout un spécimen. Elle est peut-être jolie, mais elle a un sal caractère. Bonjour la première impression.

Ma presque victime évite mon coup de pied, ce qui provoque un éclat de rire de Jesse. Je marmonne un "ta gueule" entre mes dents. C'est toi-même qui m'a dit d'aller le taper alors je te retiens bien… t'aurais tout intérêt à dégager. Même si je n'ai rien dit, mon ange gardien semble avoir compris le message, sans doute à cause du regard noir que je lui ai lancé. Je reporte mon attention sur l'abruti qui se tient en face de moi.

-Hey! Oh…Calme-toi! C’est quoi l’idée de chialer pour un morceau de tissu aussi! J’en connais une qui aurait vraiment besoin de se payer du bon temps au plus tôt.

Pendant un moment, je pompe mon air avec beaucoup de vigueur, au point presque de m'hyper ventiler. S'il y a bien une chose que je déteste, c'est qu'on se moque de moi et de mon attitude. Ok je ne suis pas ce qu'il y a de plus futé ou de plus mature, mais reste que c'est mon attitude à moi. Chez nous, les crises ça marche. Si cette vieille conne ne veut pas comprendre, c'est son problème. Moi je n'ai pas de bourrelets dégoûtants à cacher sous du linge trop grand. Je prends un moment à regarder les gens autour de moi, essayant d'évaluer la coupe du vêtement qu'on m'obligera à porter.

-Pas question que je porte ça… Peut-être qu'avec quelques retouches… je marmonne pour moi-même.

Puis je secoue la tête. Nous verrons bien. Je suis douée en couture, ce sera le temps de le montrer. Je pourrai en mettre plein la vue avec un uniforme tout à fait new age, et on ne pourra pas me chialer après parce que je ne le porte pas. Il sera un peu dissemblable, mais il restera le même malgré tout.

-Du bon temps ? On peut s'en payer dans cette école pourrie ? je ricane.

Elle a de drôle de tic celle-là avec ces « ta gueule » lancé dans le vide. Elle aspire et expire sa haine. Ça lui ferait pas de tord un joint…Ça la détendrait et la rendrait plus sympathique…Elle est toujours comme ça ou elle a juste passé une très mauvaise journée? Elle a ses règles c’est ça? Bon, j’attends qu’elle finisse de se gonfler/dégonfler en la dévisageant de haut en bas….

Et maintenant elle se parle tout seule…S’obstinant encore sur l’uniforme scolaire. C’est qu’elle veut vraiment perdre son temps avec ça? Bizarre, juste bizarre…Je soupire.

-Du bon temps ? On peut s'en payer dans cette école pourrie ?

Elle ricane. Je déteste déjà son rire. La petite nouvelle (enfin, je suppose qu’elle l’est…Mais, peut-être que non) qui se croit trop bien pour cette école. Qu’est-ce qu’elle peut être désagréable. Sérieusement. Quel ton. Bref…

-Du bon temps, on peut en trouver partout quand on arrête deux secondes de jouer les hystériques et de foutre son pied sur les bureaux et les tibias de tout le monde. Dis-je, ironique. Et toi, je crois qu’une foutue fumette ne te ferais pas de tord, t’oublierais deux secondes tes crises vestimentaires au moins…

Je marque une pause. Je l’imagine déjà faire une crise comme celle-là à un prof…Ça promet d’être marrant…On risque aussi de l’entendre dans toute l’école. Ça me fait penser qu’elle est peut-être pas ici pour rien elle avec un si beau caractère. Mais bon, peut-être pas non plus. Ça n’a pas d’importance.

Je déteste déjà ce type. Je vois bien dans ses yeux que lui-même pense la même chose. Et alors ? Qu'est-ce que j'en ai à faire que ce petit minable ne m'estime pas ? J'ai l'estime de Jesse, et c'est bien tout ce qui compte. Le reste du monde peut bien aller crever, je m'en fiche tant que j'ai mon ange gardien à mes côtés. En plus, si le monde entier venait à crever, je n'aurais plus besoin de me cacher quand je Lui parle. Je pourrais l'embrasser dans tous les lieux possibles, ne pas me gêner le moins du monde. Mais ici, dans cette école, avec d'autres filles dans ma chambre, j'ai bien peu d'occasion de discuter avec lui. Il est là, presque toujours, mais je ne peux pas lui parler, même, il préfère que j'évite de le regarder.

Oh mais je rêve ?! Il vient de me traiter d'hystérique… Moi hystérique ? Oui, et alors ? Je ne le suis pas tant que ça. J'essaie surtout de me montrer exécrable à un point tel que l'on pourrait décider soudainement de me renvoyer de cet établissement, ce qui pourrait arriver si je ne respecte aucune règle.

-Et toi, je crois qu’une foutue fumette ne te ferais pas de tord, t’oublierais deux secondes tes crises vestimentaires au moins.

Une fumette ? Jesse t'as… oh c'est vrai, il est parti, je constate en regardant partout autour de moi. Jesse n'aime pas tout ce qui abime le corps, autant de l'intérieur que de l'extérieur.

-Je ne fume pas. Ça donne les dents jaunes, et une haleine de chacal emboucané. Si tu veux t'auto-bousiller, ne te gêne pas. C'est pas moi qui vais te retenir de t'enfumer.

Non mais… proposer une chose pareille à une fille comme moi. Jesse me tuerait si le moindre atome de fumée venait à se frotter à ma gorge.

-Je ne fume pas. Ça donne les dents jaunes, et une haleine de chacal emboucané. Si tu veux t'auto-bousiller, ne te gêne pas. C'est pas moi qui vais te retenir de t'enfumer.

Je ris doucement à sa remarque.

-Ouais, ouais…Peut-être…Mais, en attendant d’avoir les dents pourries et une haleine de merde, toi tu es tout rouge de colère et tu postillonne sur les pauvres dames…

Je me tais et l’observe avec un grand sourire.

-C’est dommage car je suis sûr que tu serais très jolie sans ce teint écarlate et de la bave au menton.

Voir comme elle semble superficielle, je me demande qu’est-ce que cette remarque provoquera chez elle. Peut-être rien, au fond. Mais, ça n’a pas trop d’importance. Ça fait toujours bien une petite échange de réplique de temps à autre! C’est juste dommage de tomber sur quelqu’un d’aussi haïssable. Elle ne risque pas de se faire beaucoup de copines la princesse. Pauvre petite. Si elle essayait de se montrer sympathique un peu! Mais, bien sûr que non qu’elle ne le sera pas. Et, tant qu’elle ne se montre pas sympa, je ne vois pas pourquoi je ferais trop d’effort avec elle. De toute façon, ce n’est pas comme si j’étais agressif. Je ne fais que répondre.

Tss, mais quel abruti. Non mais hein ! Je ne suis pas rouge, et je ne postillonne pas… Bon d'accord, un peu peut-être sur cette vieille bique folle et sénile, mais celle-là l'avait grandement mérité.

-C’est dommage car je suis sûr que tu serais très jolie sans ce teint écarlate et de la bave au menton.

Non mais je rêve ? Il a vraiment osé dire une chose pareille ? De un, impossible que je paraisse rouge avec la tonne de fond de teint blanc poudre que je me suis mis ce matin jusque dans le décolleté et sur les bras. Et aussi, je sais que je ne bave pas. J'ai quand même de la classe, moi. Je passe toutefois très rapidement, en espérant que ça passe inaperçu, le dos de ma main sur mon menton pour vérifier l'état des choses. Bon, je veux bien admettre que je n'ai pas été des plus cordiales avec ce garçon.

-Excuse-toi, souffle une voix au-dessus de mon épaule droite.

Je sursaute, jette un rapide coup d'œil derrière moi et constate que Jesse est revenu me tenir compagnie. Je pousse un petit soupire de soulagement. Je n'aime que rarement me retrouver sans lui. L'ennui, c'est que je me serais attendue à ce qu'il me supporte, et m'aide à fermer le clapet du gamin, sauf que visiblement, ce n'est pas le cas. Pourquoi m'excuser ? je l'interroge du regard. Il hausse les épaules en souriant, tout en s'écartant du chemin de deux étudiants occupés à se chamailler.

-Désolée. je glisse en me retournant vers le connard de première classe. Désolée pour la crise, j'ajoute d'une toute petite voix. T'as juste un peu ris de moi…

J'ai baissé les yeux, je déteste demander pardon.

Je ris silencieusement quand je crois la voir passer sa main sous son menton. Mais, je ne suis pas certain. N’empêche que l’idée est très drôle.

Mon hilarité laisse cependant place à une perplexité déconcertante alors qu’elle sursaute sans raison et contemple longuement…Le mur du fond. Je cherche du regard l’objet auquel elle semble porter une si grande attention, le sourcil haussé. Il n’y a rien. Puis, deux mecs passent…Ils semblent être dans une vive discussion mais mon attention se capte aussitôt sur « Princesse » alors qu’elle…Qu’elle…Qu’elle s’excuse?

« Désolée ». Mais quel doux mot à mes oreilles! Je ne la connais que depuis 5 minutes et pourtant jamais je n’aurais cru entendre pareil mot de sa bouche. Je me retiens de dire une telle remarque ou encore de me mettre à rire. Bon… « Princesse » s’est excusée…C’est ça qui compte non? C’est la trêve, je n’ai plus à agir comme un con contre elle. Je suis gentil moi aussi quand je veux.

-Excuses acceptés! Dis-je avec un large sourire. Et désolé d’avoir toucher ton égo.

Ça l’a l’air d’être un « endroit » sensible, son égo d’ailleurs…Mais, encore une fois, je m’abstiens de toute remarque.

-J’m’appelle Yoann. Et toi « Princesse »?

Je me demande si c’est une nouvelle…Sûrement. Sinon, une de ses crises, je l’aurais entendu jusque dans mon dortoir. De plus, habillé comme elle est…Elle a de quoi attirer pas mal l’attention. La pauvre dame là-bas…J’espère que c’est la première fois qu’elle a affaire à « Princesse ». Mais, au fond, peut-être qu’elle est là depuis toujours mais que je m’en rends compte maintenant. Je ne suis pas très…Observateur. Sans dire non plus que je suis toujours défoncé et dans ma chambre, le ¾ du temps, les écouteurs sur mes oreilles. Finalement, je ne l’ai sûrement juste jamais vu en fait. C’est ça.

Elle a quand même l’air bizarre…Un peu stressé? Ça expliquerait son sursaut de tout à l’heure. Ça serait marrant aussi que ce soit une folle! Nan, faut pas pousser trop loin. Juste une petite princesse excentrique. Sans doute, sans doute…

Je suis soulagée qu'il accepte mes excuses. Non pas que son pardon me touche de quelque manière, mais plutôt, au nombre restreint de "pardonne-moi" que j'ai énoncés, j'aurais pété une crise tellement grande que je lui aurais fait regretter le jour où son père a posé pour la première fois ses lèvres sur celles de sa mère.

-J’m’appelle Yoann. Et toi « Princesse »?

Je tique un peu quand il m'appelle Princesse. Il n'y a que Jesse qui se le permet habituellement. Mais je fais un effort considérable pour ne pas le lui dire, sachant très bien que je risquerais d'éclater inutilement et déverser tout ma bile sur ce pauvre innocent…

-Moi c'est Abygail Clarkson, dis-je en prenant soin de prononcer toutes les syllabes avec soin – c'est rare que je n'utilise pas mon surnom.

Je détaille le type avec insistance, me disant qu'après une petite prise de becs, je devrais peut-être observer le type. Heureux les simples d'esprit qu'on dit ? Eh ben lui, il doit être heureux à voir son allure. Il a un air de wannabe métalleux que je n'aime pas trop, avec ses cheveux longs – qu'il a sans doute fait pousser pour pouvoir remuer la tête comme ces idiots qui jouent cette idiote de musique pour gens idiots – son petit piercing à la narine… je dois avouer que le piercing ne colle pas par contre : je le mettrais plutôt sur le nez d'une fille, ou alors à la limite d'un gros pimp idiot – mince je n'ai que ce mot à l'esprit aujourd'hui. Et ces vêtements… Ce fichu d'uniforme. N'y a-t-il donc personne ici qui a le cran de dire au personnel que ces habits sont hideux ? Je suis donc la seule personne censée ici ? Je pousse un profond soupire.

-Ça fait longtemps que t'es ici ? T'as l'air assez … je sais pas trop… T'as l'air d'un habitué de la place. J'me trompe ?

Oh c'est évident qu'il est ici depuis longtemps. Il joue au moralisateur avec moi, prend la défense de l'uniforme et m'appelle Princesse…

-Abc, ça n'a aucun lien ce raisonnement, ricane Jesse.

Je marmonne un "ta gueule" bien senti et presque inaudible entre mes dents avant de reporter totalement mon attention sur le gringalet – hmn – devant moi.

Princesse Abygail Clarkson dite l’Hystérique…Bon. Autant l’appeler Aby. Court, simple, bien. Bah voilà. Je peux enfin coller un nom sur la gueule de la gentille capricieuse. Si ça fait longtemps que je suis ici? Quelle question…On croirait qu’on me demanderait combien de temps ma peine de prison a commencé. Quoi que, en fait, c’est quand même presque ça ici…Enfin, si l’on prend en considération que j’allais ici ou en maison de correction. Et bah, j’ai choisi le pensionnat. Voilà quoi.

-Ça fait…

Je réfléchis 1 seconde.

-Presque 3 ans je crois bien…Toi? Nouvelle je suppose? J’espère en tout cas, parce que si ça fait 5 ans que tu milites contre un bout de tissu c’est assez dépriment.

Je lui souris bêtement, pas trop moqueur, juste…Sympa. Un peu con aussi peut-être mais bon. On ne va pas s’attarder à des détails idiots comme ça. Ouais, t’as raison…Je sais…Je devrais peut-être arrêter de me faire mentalement la conversation là…Bon.

-M’enfin, soit tu n’étais pas au courant qu’il y avait un uniforme…Soit tes parents t’ont forcé à être ici…C'est le cas de la majorité du pensionnat en fait.

J’opterais pas mal pour la deuxième option avec son caractère. Si on est capable de ne pas s’engueuler pendant au moins 5 minutes, c’est qu’elle ne doit pas être si horrible que ça finalement. Juste un peu…Capricieuse. Ou dans un sal humeur aussi qui sait. Surtout si elle est nouvelle. Moi, je n’ai pas sauter une coche en arrivant, j’avoue. Mais, dans la vie, il y a des Aby et il y a des Yoann. Je sais, je sais, je suis d’une logique implacable.

Trois ans ? Oh bordel de sainte putain de chiasse ! Moi j'aurais pété un plomb depuis bien longtemps, genre après trois semaines… Merde… Je n'ai pas hâte que ça fasse même une semaine. Je pousse un petit sifflement admiratif pour le temps de sa survie entre ses murs, puis continue de l'écouter.

-M’enfin, soit tu n’étais pas au courant qu’il y avait un uniforme…Soit tes parents t’ont forcé à être ici…C'est le cas de la majorité du pensionnat en fait.

Je veux bien croire. Curieuse créature serait à mes yeux celui qui viendrait se planquer ici de son propre chef. Ce serait sûrement un cinglé taré doublé d'un problème psychologique quelconque. D'ailleurs, au nombre étrange d'élèves que j'ai croisés dans ces couloirs, ne m'étonnerait même pas que je me trouve dans un asile déguisé en école secondaire. Si c'est le cas, bravo les parents, vous avez réussi à m'envoyer chez les fous sans que je m'en aperçoive. J'en pleurerais de dépit.

-T'as bien jugé, je débarque à peine dans ce trou perdu. Et t'as du flair, parce qu'en effet, ce sont mes parents qui m'ont forcée à venir… et ils ne m'ont pas parlé de l'uniforme. J'veux dire, j'ai du style, et j'aime le montrer. Mon linge coûte cher et j'aurais pas le droit de le porter fièrement ?

-Ab… Les mecs se fichent complètement de tes déboires vestimentaires.

Je lance un regard froid comme un glacier à Jesse, qui se tient juste derrière Yoann, mais je me retiens à grand peine de lui tirer la langue ou de l'insulter. Je déteste qu'il soit là quand je parle avec quelqu'un d'autre. Il me passe toujours ses petits commentaires et je ne peux même pas lui répliquer quoi que ce soit sous peine de passer pour la dernière des folles dingues.

-Enfin… je… Je vais te laisser là-dessus. C'est le dirlo qui va entendre parler de son uniforme de merde.

Je laisse passer un moment de silence. Comme je viens pour le saluer et partir, je me reprends.

-Herm … Tu pourrais me dire il est dans quelle direction son bureau ?

[tu pourras conclure si tu le veux]

Un petit sifflement admiratif frôlant l’ironie puis elle se met à déblatérer sur sa situation. Effectivement j’ai vu juste. Elle était pas au courant (ça l’aurait été étonnant un pensionnat sans uniforme en fait). Elle a été forcée (c’est pas une surprise vu les crises qu’elle fait). Et puis, elle continue sa lancer en parlant…Encore de vêtement. Je me gratte un peu la tête en la regardant d’un air interrogatif, comme si elle parlait une langue que je ne connaissais pas. Du style. De la fierté. Des vêtements coûteux. Son amour propre dépend de ses vêtements ou quoi? Chacun ses…Hobbies. Moi je suis un foutu drogué et elle…C’est une hystérique en crise vestimentaire.

Lorsqu’elle porte un regard froid en ma direction, j’efface mon expression faciale d’incompréhension.

Je souris au moment où elle parle du dirlo. Elle compte aller se plaindre directement à McClain. Mais c’est qu’elle est obstinée! Elle va finir par abandonner…Un jour. Elle foutra peut-être le directeur en état de dépression grave…Mais, elle finira par se calmer sûrement. En entendant, je peux bien me marrer.

-Herm … Tu pourrais me dire il est dans quelle direction son bureau ?

Ça aussi, c’est drôle. Voilà un chemin que je connais par cœur. Pauvre, pauvre dirlo…

-Le couloir juste là-bas, dis-je en pointant une direction, tu tournes à gauche et c’est la deuxième porte…Je marque une pause. Bon bi’n…Je te laisses hein…Ah et bonne chance pour…Ton truc là…D’ordre vestimentaire…M’enfin…

Bon. Mystère des cris monstrueux résolus. Rencontre avec le troisième type (oui, oui…référence trop nul), fait. Avoir bien rit, accomplis. On peut alors dire que j’ai eu une journée bien complète. J’peux retourner me coucher je crois là…